Arrêt du Conseil d’État
Le 11 août 2023, le Conseil d’État suspend la décision du gouvernement de dissoudre le collectif d’associations, de syndicats et de partis politiques nommé Les soulèvements de la Terre.
-
Aux termes de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : « Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : 1° Qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ; (…) ».
-
D’une part, l’atteinte qui est nécessairement portée à la liberté d’association par l’exécution d’un décret prononçant la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait est, en principe, constitutive d’une situation d’urgence. Le décret contesté, qui prononce la dissolution des Soulèvements de la Terre, crée ainsi, pour les requérants, une situation d’urgence. Si le ministre de l’intérieur fait valoir que ceux-ci ont attendu plusieurs semaines avant d’introduire les présentes requêtes en référé et que la protection de l’ordre public justifierait de ne pas suspendre l’exécution de ce décret, il n’apporte pas, s’agissant de cette dernière assertion, d’éléments suffisants à l’appui de ces allégations. Par suite, la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit, dans les circonstances de l’espèce, être regardée comme remplie.
-
D’autre part, si le décret contesté fait grief au collectif Les Soulèvements de la Terre de provoquer à des agissements violents à l’encontre des personnes et des biens, il ne résulte pas des pièces versées au dossier du juge des référés ni des éléments exposés à l’audience que ce collectif cautionne d’une quelconque façon les violences à l’encontre des personnes. S’agissant des violences alléguées à l’égard des biens, il ressort des pièces versées au dossier, ainsi que des éléments exposés à l’audience, que les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile et de « désarmement » de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique, et ont été en nombre limité. Eu égard au caractère circonscrit, à la nature et à l’importance des dommages résultant de ces atteintes, le moyen tiré de ce que les actions reprochées au collectif ne peuvent pas être qualifiées de provocation à des agissements troublant gravement l’ordre public de nature à justifier l’application des dispositions précitées du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, notamment au regard des exigences découlant des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce décret.